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Nouvelles des CHI: Promotion de la connaissance des techniques locales de production textile au Mali

Par Darren P. Ashby | Responsable des programmes du patrimoine culturel d’ASOR

Le pays dogon, situé au centre-est du Mali, est renommé pour sa beauté naturelle austère et ses constructions fragiles édifiées à flanc de falaise. Difficile d’accès en raison de la falaise de Bandiagara qui la traverse en son milieu, la région est depuis longtemps reliée au reste de l’Afrique de l’Ouest et, par d’anciennes routes commerciales à travers le Sahara, au monde méditerranéen. Bien que les traces de présence humaine remontent à au moins 3000 avant J.-C., les communautés Dogon datent leur arrivée et installation à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle de notre ère. Au fil du temps, elles se sont étendues dans les trois zones écologiques locales, se déplaçant entre le plateau, les falaises et la plaine en réponse à des facteurs sociopolitiques, économiques ou environnementaux.

Mali and the Dogon Country; Photo Credit: ADI
Mali et le pays dogon; Photo Credit: ADI
View of Yendouma Atô; Photo Credit: ADI/ASOR
Vue de Yendouma Atô; Photo Credit: ADI/ASOR
View of Youga Dogourou, with buildings renovated by ADI in collaboration with the local community; Photo Credit: ADI/ASOR
Vue de Yoga Degourou, avec des bâtiments rénovés par ADI en collaboration avec la communauté locale; Photo Credit: ADI/ASOR

Historiquement, la plupart des types de production artisanale au sein des communautés dogon étaient réservées aux hommes ou aux femmes. En revanche, la production textile impliquait le travail des deux sexes : les femmes transformaient le coton et filaient le fil tandis que les hommes tissaient le tissu. Même si un nombre restreint d’hommes pratiquaient le tissage à une époque, le traitement et le filage étaient considérés comme faisant partie de la routine quotidienne des femmes avec un savoir-faire transmis de mère en fille.

Aujourd’hui, cette pratique traditionnelle est de plus en plus menacée par la prolifération des textiles industriels et par l’érosion du transfert intergénérationnel des connaissances. Pour relever ces défis, ASOR et son partenaire — une ONG locale qui se consacre à l’amélioration du bien-être des populations de la région dogon – ont organisé à la mi-mai, dans le village de Neni, un événement visant à sensibiliser les habitants de la région dogon à l’histoire commune de la production textile et à encourager un renouveau de cette pratique par une plus large participation.

L’événement s’est déroulé dans une ambiance animée, rythmée par la musique, la danse et les échanges. Au cœur de cet événement, des femmes locales ont montré chaque étape du processus de filage et ont prodigué des conseils pratiques aux participants. Le processus de filage comprend quatre étapes principales. Tout d’abord, le coton brut est égrené pour en retirer les graines, soit à la main, soit à l’aide d’une petite barre et d’une pierre plate. Ensuite, le coton est démêlé et nettoyé à l’aide de deux planches à carder en bois munies de dents fines. Une fois nettoyé, le coton est placé sur une quenouille et torsadé sur un fuseau muni d’une extrémité métallique, spécialement fabriquée par des forgerons locaux. Enfin, les fils ainsi créés sont enroulés sur un fuseau plus grand pour être conservés.

Step 1: Ginning cotton using a flat stone and metal rod in order to remove all of the seeds; Photo Credit: ADI/ASOR
Étape 1: Égrenage du coton à l’aide d’une pierre plate et d’une tige métallique afin d’en retirer toutes les graines; Photo Credit: ADI/ASOR
Step 2: Cleaning and straightening cotton using two carding boards; Photo Credit: ADI/ASOR
Étape 2: Nettoyage et lissage du coton à l’aide de deux planches à carder; Photo Credit: ADI/ASOR
Step 3: Twisting the thread using a distaff (right) and spindle (left); Photo Credit: ADI/ASOR
Étape 3: Torsader le fil à l’aide d’une quenouille (à droite) et d’un fuseau (à gauche); Photo Credit: ADI/ASOR
Step 4: Transferring thread onto a large spindle for storage; Photo Credit: ADI/ASOR
Étape 4: Transfert du fil sur une grande broche pour le stockage; Photo Credit: ADI/ASOR

Au total, 130 personnes des ethnies Dogon et Peulh ont participé à l’événement. Les participants ont exprimé leur appréciation pour cette expérience, qui leur a permis de redécouvrir leur patrimoine sous un angle nouveau. Une femme a résumé sa vision de la situation actuelle par un proverbe: « le cheval n’a pas de valeur sur sa place ». Elle a expliqué que ce dicton illustre la méconnaissance par les gens de la véritable valeur de leur patrimoine culturel, soulignant que l’événement avait permis une meilleure compréhension et valorisation de leur culture.

A guided demonstration of spinning for the whole community; Photo Credit: ADI/ASOR
Une démonstration guidée de filage pour toute la communauté; Photo Credit: ADI/ASOR

Bien que modeste en taille, cet événement a également permis aux membres des communautés Dogon et Peulh de se rassembler autour de leur patrimoine commun. Actuellement, une tension palpable existe entre ces deux communautés, en grande partie à cause de l’association perçue des Peulhs avec l’insurrection et la violence qui affectent une large partie du Mali, ainsi que des frictions persistantes entre les modes de vie pastoraux et agricoles. Cette méfiance a poussé certaines communautés Dogon à interdire l’accès de leurs villages aux Peulhs. Malgré cette hostilité, les membres de la communauté Peulh continuent de manifester un intérêt pour mieux connaître le patrimoine et les traditions de la région dogon. Des événements comme celui-ci créent des occasions pour ces communautés de se réunir afin d’explorer leurs intérêts communs, et d’interagir en tant qu’individus plutôt que comme entités impersonnelles. Alors que les tensions restent élevées, d’autres événements axés sur le patrimoine dans la région offrent des opportunités de renforcer les relations interpersonnelles, essentielles pour résoudre la crise actuelle.